Je suis Mélisa Godet, j’ai tout juste 30 ans et je suis originaire de Normandie. J’ai fait mes études à Sciences Po Toulouse puis à l’Ina (Institut National de l’Audiovisuel) en région Parisienne où j’ai obtenu un Master en production audiovisuelle. J’ai ensuite intégré les Productions du Trésor d’abord en tant qu’assistante du producteur, il faut bien débuter et aujourd’hui j’y suis chargée du développement des projets de long-métrages, ce qui signifie, entre autres, que je suis le travail d’écriture des réalisateurs et scénaristes sur les films à venir.
Même si cela fait un peu banal de dire cela, j’ai toujours aimé écrire, j’ai un souvenir très précis de ma toute première « rédaction d’imagination » et de la joie que m’avait procuré le fait d’inventer une histoire de toute pièce et de choisir des mots pour la raconter.
J’ai vraiment commencé à pratiquer l’écriture en dehors de mes obligations scolaires, juste après le Bac et c’était très lié à l’univers dans lequel je voulais travailler : le cinéma. Je voulais apprendre et pratiquer les techniques d’écriture de scénarios, que ce soit pour les courts ou les longs métrages ou encore pour les séries. C’est vraiment sous l’angle du scénario que j’ai abordé l’écriture. Ce premier roman est ma toute première tentative d’écriture sous forme romanesque. Je ne m’étais jamais sentie, avant ça, « autorisée » à m’essayer au roman, ça me paraissait hors de portée.
Dans mes différents travaux autour du scénario, j’ai développé plusieurs histoires dont, il y a 7 ans, celle des personnages des Augustins, qui étaient à la base destinée à une série pour la télévision. Et ces personnages ont été très importants pour moi car ils m’ont permis d’obtenir les premiers encouragements d’une « autorité » en matière d ‘écriture. J’ai obtenu pour ce projet de série télévisée une bourse d’écriture de la Sacd (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques). C’est la toute première fois où l’on m’a dit « ce que tu écris peut être lu et peut intéresser ». J’avais essayé juste pour voir et finalement ça a été un véritable déclencheur.
J’ai ensuite travaillé sur ce projet de série. Des diffuseurs et producteurs de télévision m’ont expliqué qu’aucune chaîne de diffuserait jamais une série se passant dans un squat. La mort dans l’âme j’ai rangé mes Augustins. J’ai travaillé sur d’autres histoires, toujours en scénario et puis j’ai vu l’appel à texte de la Fondation Bouygues Télécom. Il me restait 4 mois pour transformer une série télévisée en roman et donner une dernière chance à ces personnages d’exister. J’ai pensé « j’essaie ça et si ça ne marche pas je laisse tomber cette histoire mais j’aurais tout tenté ».
Je mène une veille sur tout ce qui concerne les aspirants auteurs, les appels à texte, à scénarios, etc. parce que ça m’a toujours fait beaucoup avancer de m’imposer des délais, des challenges. Plus les délais sont courts, plus je suis efficace. C’est comme cela que j’ai vu l’appel à manuscrit de la fondation Bouygues Telecom. Je ne pensais pas du tout que cela pouvait marcher, le premier défi était de voir si j’étais capable d’écrire un texte long, de forme romanesque, qui tienne la route. Je n’étais pas du tout certaine de parvenir à terminer, alors quant à être publiée…
Je n’ai à ce jour jamais participé à un atelier d’écriture. Pour moi l’écriture est vraiment une activité solitaire et souvent nocturne. En revanche j’ai lu énormément sur les techniques d’écriture, principalement en scénario, mais les bases de ce qui fait une histoire, ou des personnages sont les mêmes peu importe la forme.
De structurer son histoire, au moins les grands traits pour avoir une ligne à suivre, quitte à la faire bouger en cours de route. J’utilise un mur, des post-it et des feutres de couleurs, les principaux personnages et principaux moments de l’intrigues sont représentés sur un post-it que je place et déplace dans le cours de l’histoire jusqu’à être satisfaite de l’ensemble.
Sinon, il faut écrire, même si l’on n’est pas du tout convaincu par ce que l’on est en train d’écrire. Sur les 5 pages écrites au cours d’une séance de travail, on ne gardera le lendemain peut-être que 30 lignes, mais 30 lignes, c’est déjà un début et ces 30 lignes durement trouvées la veille déclencheront peut être plein de choses pour la suite du texte.
Le premier échange avec la Fondation a été avec Dorothée (Corbier, Déléguée Générale Adjointe de la Fondation Bouygues Télécom), qui m’annonçait au téléphone que mon manuscrit était lauréat, que mon premier roman allait donc être publié. Ce fut un premier contact très joyeux mais aussi très lacrymal ! J’ai eu beaucoup de mal à formuler des phrases dignes de ce nom. J’étais un peu sous le choc.
Ensuite, c’est l’éditeur qui prend le relais pour travailler sur le manuscrit et en faire un texte prêt à être imprimé, même si la Fondation est toujours présente pour nous accompagner et puis s’occuper également de la communication autour du Prix. Céline et Dorothée, qui s’occupent de la Fondation, ont été à la fois des coachs, des nounous rassurantes et des sortes d’ange-gardiens tout le temps de la fabrication du livre et de sa sortie.
Pour écrire cette histoire, je me suis beaucoup documentée sur le mal logement et les « mouvements squats » : beaucoup de documentaires, mais aussi de nombreux essais et thèses de sociologie.
Je ne suis pas allée enquêter directement dans des squats, même si j’en avais la possibilité, parce que je n’avais pas envie d’avoir peur ensuite de trahir une réalité ou des personnes que j’aurais pu rencontrer et puis surtout je n’avais pas envie d’instrumentaliser, d’utiliser pour mon intérêt propre des rencontres humaines, ça me dérangeait beaucoup. Alors je me suis beaucoup documentée, pour ne pas raconter n’importe quoi et puis j’ai fait confiance à mon imagination.
J’avais envie de travailler sur la parole, de ces personnes qui sont souvent sans parole, qui peinent à se faire entendre. Mon goût naturel pour le scénario fait que j’écris presque automatiquement en « dialogué ». J’ai énormément de mal par exemple a écrire au passé, à développer des descriptions longues, ça ne m’est pas du tout naturel, ça ne sonne pas comme je veux. La musique qui me va est au présent, dans l’action et les dialogues, il faut que les phrases puissent être dites aussi bien que lues. Pour faire cohabiter tout cela, j’ai décidé de fonctionner avec ces chapitres qui porteraient chacun la voix d’un personnage différent. La voix, cela veut dire le phrasé, l’histoire intime, le mode de penser, la manière de réagir au chose. Comme mes personnages sont nombreux et tous différents, je ne me suis pas ennuyée !
Toujours dans cette idée de « parole rendue », j’ai eu envie d’utiliser quelque chose de propre à la sociologie qui sont les retranscriptions d’entretien. Dans ce type de retranscription, chaque souffle, chaque silence a aussi son importance. Jouer sur les silences, c’est aussi un « truc de scénariste » qu’il est difficile de rendre dans une forme romancée, j’ai trouvé cette astuce.
Il y en a plein ! C’est difficile à dire. Sans réfléchir, les deux qui me viennent tout le suite sont Françoise Sagan, pour sa musique justement, je me suis rendu compte que j’écrivais beaucoup à l’oreille, et puis Stephen King, pour ses romans bien sûr mais plus encore pour son essai autobiographique sur son métier d’écrivain : « Écriture : mémoire d’un métier », très inspirant et drôle, ce qui ne gâche rien.
J’avais envie d’écrire sur des personnages très différents qui fonctionneraient en tribu, comme une famille reconstituée, et quand je suis arrivée à Paris, mon premier contact avec cette ville ça a été du côté du Canal Saint Martin l’année de l’action des Enfants de Don Quichotte qui réclamaient un droit au logement. Les voir se battre jour après jour, galérer et aussi forger des solidarités très fortes, qu’ils soient Sdf, militants, voisins du Canal ou juste citoyen, ça m’a beaucoup marquée et ça a déclenché cette idée. Ensuite la galerie de personnages s’est faite au fur et à mesure. Chaque personnage est construit avec des emprunts à droite à gauche chez des proches ou parfois des personnes juste croisées.
Je ne crois pas. J’ai l’impression d’avoir bouclé la boucle. Je leur ai ménagé un épilogue, pour ne pas les laisser en plan après la fermeture du squat des Augustins. J’avais besoin de savoir ce qu’ils allaient devenir après avoir passé autant de temps avec eux. Ça a été une belle aventure à leur côté, longue, mais belle. Je suis vraiment heureuse de leur avoir trouvé une place, sous forme d’un livre. J’ai envie d’écrire d’autres choses. Mais il faut que ces nouveaux personnages me touchent et me portent autant que ceux-là. C’est un vrai challenge !
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